D'aucuns diront que je regarde trop les séries policières françaises (PJ, Braquo, Flics, La Crim'...), que j'ai trop lu de polars (les Poulpes étant jeune, Daeninckx, Jonquet, Thilliez, Oppel, Delteil, etc.), ou bien encore qu'il y a trop d'uniformes dans ma vie privée... Ceux-là auront sûrement raison.
Il n'empêche qu'au hasard des rencontres sur Twitter, j'ai découvert qu'il n'y avait pas que des auteurs de romans jeunesse et des bibliothécaires (oui, j'ai ouvert mon e-horizon). Certains "flics" y sévissent aussi pour, comme moi, donner un aperçu hors des clichés péjoratifs de nos métiers respectifs.
Et c'est donc par ce biais (PJ_un_jour) que j'ai pris connaissance de ce livre, plutôt un "beau-livre" (vu le prix, humm). Puisque je reste quand même intéressée par les livres en général. Je ne m'éloigne pas trop non plus de mon univers...
Enquêtes Générales, immersion au coeur de la BRB de Raynal Pellicer et Titwane |
C'est surtout le concept "immersion" à la BRB (Brigade de Répression du Banditisme : un groupe d'élite dans la police judiciaire, pour les non-initiés) qui attire l'attention. Et le fait que cette immersion soit totalement restituée en aquarelles et crayonnés façon carnet de voyage, journal de bord ou voire même carrément BD ! Nous sommes donc à mi-chemin entre la BD et le polar. Parfait. Tout ce que j'aime.
Néanmoins, il s'agit bien d'enquêtes et de faits tout ce qu'il y a de plus réels. Et non pas de fiction. Pour le coup, je me suis même dit que la fiction ne dépassait pas du tout la réalité tant celle-ci était déjà assez incroyable ! Des braqueurs déguisés en femmes coquettes, un gang nommé "les pink panthers" : ça ne s'invente pas.
Et puis l'originalité de ce documentaire est liée à sa forme. Les aquarelles sont une solution à la contrainte des autorités policières qui ont refusé plusieurs fois le projet dans sa forme initiale (docu filmé) : les reportages sur les unités d’élites sont interdits : trop de risques de dévoiler des visages et des méthodes qui pourraient servir aux malfrats.
Alors, j'ai commencé l'immersion.
J'ai découvert un univers de l'intérieur, j'ai suivi des enquêtes presque en temps réel (du moins en épisodes, façon série télévisée). J'ai savouré des anecdotes sur les membres de l'équipe de la BRB (certains portent des T-shirts aux couleurs étonnantes). J'ai compris pas mal de choses sur la manière de mener une enquête, telle une traque de plusieurs mois avec des moyens parfois laborieux mais inévitables et finalement efficaces (planques, écoutes téléphoniques, etc.). J'ai suivi des interrogatoires : les croquis des attitudes des suspects mal à l'aise sur leur chaise traduisent à la fois un certain sentiment de gêne (culpabilité ?) mais aussi une proximité avec le lecteur.
J'ai savouré le récit du braquage du siècle (la bijouterie Harry Winston, grand seigneur, a su récompenser l'équipe de la BRB avec une boîte de chocolat de 12 pièces...). J'ai palpé la fierté de l'équipe entière d'avoir mis tout le monde sous les verrous. Une enquête récompensée même par un mot des bandits arrêtés, presque bons perdants : "bien joué, beau travail les gars" disent-ils aux flics ! Une réaction étonnante qui reviendra souvent dans le livre ! Les bandits sont circonspects par le travail de leurs traqueurs. Qui l'aurait cru !? On est loin des clichés sur les flics avec des bottins et des arrachages d'aveux forcés. Tout est stratégique : avec les éléments de l'enquête il faut acculer le suspect et parfaire la procédure administrative. De la rigueur et de la minutie.
Maintenant, les soums, les tubars, les fadettes, les queues de CR (dans l'ordre : voitures banalisées aux vitres teintées pour surveiller, informateurs, factures détaillées, fin de dossiers en commission rogatoire) vous l'aurez compris, n'ont donc plus de secrets pour moi !
Raynal Pellicer aurait certainement fait un documentaire passionnant à regarder, mais le coup de crayon de Titwane et le format BD-reportage rendent le tout beaucoup plus "palpable". Nous avons donc les Enquêtes Générales à la BRB, cette unité d'élite du 36 quai des Orfèvres, dans les mains. Nous avons l'image, mais nous avons aussi les impressions du documentariste qui témoigne (et qui fait des bêtises aussi). Ce qu'un reportage télé n'aurait peut-être pas su rendre aussi prégnant. Nous avons des détails improbables tel que l'entonnoir et la bouteille vide dans le soum - il n'y a donc pas de femmes à la BRB - (je vous laisse en deviner l'utilité)... Et nous avons aussi le plaisir de découvrir des techniques policières ancestrales comme d'autres toutes récentes : de l'étude anthropométrique des oreilles à l'odorologie. Les séries américaines peuvent aller se rhabiller.
L'odorologie |
Question fond, l'auteur a justement pris le parti de prendre du recul par rapport à l'immersion elle-même et à l'équipe. Un recul nécessaire et judicieux qui donne un ton d'objectivité et de neutralité, tout en préservant une certaine sympathie à l'équipe par la force des choses (quatre mois ensemble, ça doit créer des liens et le lecteur les ressent).
Ainsi, nous avons aussi le point de vue des avocats des gardés à vue (GAV), du juge d'instruction qui explique le besoin de ne pas laisser les ressentis, les impressions, mener l'enquête mais seulement les faits à charge et à décharge.
Et puis question recul, tous les moments "off" avec les officiers et les membres de l'équipe nous extirpent d'une enquête lourde et d'une tension pour mieux nous y replonger.
J'ai savouré cette immersion, je l'ai fait durer. Je me suis régalée des détails propres au service et j'ai vraiment été séduite par le procédé narratif : le chapitrage tel un feuilleton. Les petites touches d'humour finales de chaque chapitre m'ont séduite. Surtout la toute dernière, extraite du mail de la réponse négative des autorités fait à l'auteur du livre, que je ne résiste pas à citer ici : "... les policiers de la BRB ne souhaitent pas être suivis dans leur quotidien et sur le terrain".
Finalement, heureusement qu'à la BRB, ils savent recevoir ! Pour une immersion du lecteur dans un autre monde, dans le quotidien des Enquêtes Générales pas banal et plein d'adrénaline.
C'est avec impatience que j'attends donc la saison 2.
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Merci Titwane pour la dédicace spéciale VIP au Salon du Livre !
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Dédicace de Titwane, l'illustrateur d'Enquêtes Générales Avec une petite référence toute personnelle... |
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L'emblème de la BRB : un rubis (rien à voir avec les braquages de bijouteries) Merci pour la photo, Morel ! |
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